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« Ninive, ville situées au nord de Babylone, sa concurrente au nord de l’actuel Irak, Symbole d’Oppression et de Violence. » – Source perdue –
« Quand on dit que « Dieu n’existe pas » il faut encore préciser de quelle forme « d’athéisme » il s’agit :
L’athéisme rebelle et réactif se justifie par un certain nombre de «souffrances» réelles, souvent d’oppression, vécues par des auteurs en mal d’intégration de leur passé personnel ou collectif. Ils ont parfois tendance à prendre les épluchures du fruit pour le fruit. Leur athéisme est psychologique, rarement philosophique ; la question de Dieu en soi ne les intéresse pas. L’attitude «rebelle» peut devenir systématique, elle est alors plus ou moins fanatique et haineuse à l’égard de toutes formes de Sacré ou de Transcendance qui ouvriraient l’homme à l’Espace qui le contient, ou à l’Altérité qui le rencontre. Non sans complaisance ils s’enferment dans «l’Être pour la Mort» et de façon plus ou moins intelligente ou perverse, ils font passer pour Amour de la Vie ( quelle Vie ? ) leur fascination secrète pour le néant. L’Athée rebelle dit et parle souvent trop fort, il sait que ses aboiements ne seront jamais des arguments, il cache mal sa Peur et sa détresse, aussi ne s’agit-il pas de lui répondre, ou de lui parler sur le même «ton», il n’entend pas. L’autre (homme) comme l’Autre (Dieu) n’existent pas. Il s’agit plutôt d’être patient avec lui comme peut l’être un père avec son enfant rebelle ; le voir grandir à travers sa rébellion… L’Athée rebelle accédera peut-être un jour à une certaine autonomie, à une certaine Liberté à l’égard de son passé, il n’aura plus besoin d’être «contre». Peut-être deviendra-t-il alors un Athée raisonnable ? Plus que des Émotions, il aura alors à nous proposer quelques argumentations, toujours les même depuis les siècles : «Si Dieu existait, ça se saurait, on serait obligé d’y croire.». Être obligé de croire, c’est exactement le contraire de la Liberté et de la Foi. «Il y a dans le Monde et les écritures, suffisamment pour douter ou pour croire à la Réalité de Dieu.», disait Pascal. Croire ou ne pas Croire c’est toujours un choix, on n’est pas Athée par «Science» ou par démonstration, mais par choix. «Si Dieu existait, si Dieu est un Père, alors pourquoi toutes ces Souffrances dans le monde, pourquoi le meurtre des innocents ?» C’est la Question du mal et de son excès. Yeshoua à la différence des Philosophes, n’a jamais cherché à répondre à cette Question. Le mal injuste il l’a reçu de plein fouet, le massacre de l’innocent, il l’a vécu lui-même. II a traversé le mal, il n’a pas fait de la mort le dernier mot. Quand on dit «qu’Il est ressuscité» on essaie de dire que pour lui et peut-être pour nous «ce n’est pas la violence, la bêtise, la haine, la mort qui auront le dernier mot», l’Amour est peut-être l’issue, c’est ce qui peut sauver ce qui nous reste d’humain dans les situations les plus inacceptables : «Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font». Ce n’est pas une réponse intellectuelle au problème du mal, c’est une réponse existentielle. À une raison on peut opposer une autre raison, mais que peut-on opposer à la Vie, à l’Amour ? «Le refus d’y croire» sans doute, mais est-ce encore «raisonnable» ? Pourtant l’Athée raisonnable est plus intelligent que l’Athée «rationaliste» cherchant toujours à démontrer ou à prouver quelque chose (prouver qu’il a raison !). Très vite les arguments le fatiguent. «Les explications fatiguent la Vérité» disait Braque. Il est plus important pour lui de bien vivre, de bien organiser son monde en souffrant le moins possible, sans se soucier de Dieu qu’il considèrera comme une «hypothèse inutile» que les croyants (laïques ou religieux) continuent à s’entre-déchirer. Toutes ces querelles ne sont pas dignes d’un «bon» Philosophe Matérialiste. À la différence de l’Athée rebelle, l’Athée raisonnable est un Athée paresseux. Il n’exerce sa Raison que pour ses commodités, il ne conduit pas sa Raison jusqu’à ses limites, jusqu’à son ouverture à ce qui l’accomplit et la transcende à la fois. Cette paresse est un choix : «Je ne veux pas Savoir, à quoi bon Savoir ? Ce que je Connais me suffit.» Connaître le connu (qu’il prend pour le connaissable), il n’y a rien d’autre. A quoi bon chercher davantage ? Chercher à Connaître l’inconnaissable, est-ce bien raisonnable ? Mais il est des Athées qui ne se contentent pas d’être rebelles et réactifs, c’est-à-dire, «infantiles» ; qui ne se contentent pas non plus d’être raisonnables et de rester fidèles au connu, c’est-à-dire petitement «adulte». Il faut bien du temps pour parvenir à l’Âge de Raison, mais il faut «plus que du temps» pour dépasser «cet Âge» (plus que du Mental ou plus que l’utilisation ordinaire de notre cerveau). Il existe des Athées Gnostiques ou Mystiques qui ne négligent aucun des arguments de la Raison et ne méprisent aucune Science , psychologie ou Philosophie, mais qui à force d’étude en on pris la mesure et considéré les limites. Sans s’y arrêter, sans s’y enfermer, ils continuent à interroger le Réel jusqu’à «éprouver» cette Réalité qui n’existe pas et qu’ils ne se hâtent pas d’appeler «Dieu» car tout ce qu’on dit de Dieu n’a rien à voir avec Dieu, et tout a à voir avec celui qui «éprouve» un Être qu’il reconnaît comme étant inconnaissable. Ce n’est pas une façon d’expliquer «ce qu’on ne comprend pas par ce qu’on comprend moins encore», c’est une façon de demeurer ouvert ; ce n’est pas un savoir, c’est une saveur ; ce n’est pas une explication, mais une expérience, une «épreuve». Dieu ne sait pas ce qu’il est lui-même, car il n’est pas un quelque chose et cette ignorance dépasse toute connaissance. Maître Eckhart à la suite de Jean Scot Erigène, de Denys le Théologien, de Grégoire de Nysse, de Clément d’Alexandrie et de toute la grande tradition apophatique, décrit bien ce que pourrait être l’itinéraire d’un Athée mystique ou gnostique : «Il faut qu’il arrive à un état d’ignorance ! Il faut qu’il y ait tranquillité et silence, là où cette présence doit être perçue. On ne peut venir à elle mieux que par la tranquillité et le Silence ; là on la comprend comme il faut : dans l’ignorance ! Quand on ne sait plus rien, elle se fait voir et se révèle. C’est en partant de la connaissance qu’on doit arriver à la non connaissance ! Car celle-ci est une forme supérieure de la connaissance…» «Le suprême savoir, la suprême vision, consiste à savoir et à voir sans voir et sans savoir». Inutile de dire que un tel Athée est un véritable croyant. C’est d’ailleurs ce que rappelait Dostoeïvsky quand il disait qu’un Athée sincère et exigeant était peut-être plus proche du vrai Dieu qu’un religieux attaché à des croyances apprises. Dieu n’existe pas, je le prie tous les jours… Tous les jours je renouvelle mon lien, ma relation avec l’Inconnu, qui me fait exister comme Sujet et comme liberté. – Jean-Yves LELOUP – « Dieu n’existe pas, je le prie tous les jours » –